Petit Comtois du 5 février 1921 et du 31 janvier. Dépêche Républicaine du 8 février.
Dans ce blog, quelques remarques ont déjà été faites à propos de Victor Bérard, à partir d’un article polémique de l’Eclair Comtois du 18 juillet 1920. Certaines opinions de ce sénateur (élu de 1920 à sa mort en 1931) en faisaient un politique proche des radicaux, donc un adversaire pour Louis Hosotte, le rédacteur en chef de l’Eclair Comtois, qui lui reconnaissait tout de même ses qualités d’helléniste.

Le Petit Comtois du 31 janvier faisait l’annonce d’une nouvelle conférence de V. Bérard à Besançon (il en avait déjà assuré une en 1916) et fournissait une biographie élogieuse de l’historien. Ses publications étaient énumérées, insistant sur la clairvoyance de l’auteur à propos de l’Orient méditerranéen.

Spécialiste de l’Odyssée, Victor Bérard en a fourni une traduction qui fait encore autorité.
Les trois volumes de la traduction de l’Odyssée par Victor Bérard sont en ligne à cette adresse.

On n’est pas étonné de trouver dans les propos tenus par Bérard le 4 février, une controverse franco-allemande. Bérard est persuadé de l’existence d’un seul aède, Homère, argumentant sur la cohérence de l’œuvre et reprochant à certains auteurs allemands du début du XIXe siècle d’y voir la résultante de collaborations variées.
Le Compte-rendu de cette conférence dans la Dépêche Républicaine du 8 février note aussi : « les Allemands qui en tout pillent leurs voisins et de la science desquels l’orateur montre la vanité et l’outrecuidance, les allemands ont nié l’existence d’Homère. »
Bérard fait mine d’ignorer que le premier à avoir mis en doute l’existence d’un Homère fut un français, l‘abbé d’Aubignac, dont le point de vue fut publié en 1715. En 1921, Il était de bon ton de s’en prendre à la Kultur allemande. Aujourd’hui, les études homériques penchent en faveur de plusieurs poètes qui, oralement, transmirent et enrichirent ces récits, mais que, peut-être, un seul y mit la touche finale.

Le rédacteur ne précise pas que Bérard navigua en 1912 avec son propre bateau en Méditerranée pour étudier les parcours et les lieux fréquentés par Ulysse, mais il souligne bien les vérifications in situ de l’historien helléniste. Il publia en 1927-1929, les Navigations d’Ulysse. C’est en géographe, historien et spécialiste de l’Odyssée qu’il parcourut la Méditerranée sur les traces d’Ulysse.
Plus loin, le compte-rendu de cette conférence fournit une surprenante remarque sur la datation de l’époque d’Homère. Là où, déjà au début XXe siècle, la majorité des spécialistes parlaient du début du 1er millénaire avant Jésus-Christ, soit tout au plus 3000 ans avant notre ère, Bérard remontait à 4 à 5000 ans. Or, la guerre de Troie dont il est question dans l’Iliade, mais aussi dans l’Odyssée, aurait plutôt eu lieu vers 1200 avant JC. Homère ne pouvait donc pas avoir vécu avant les évènements dont il écrivit les poèmes épiques.

Lors de cette conférence, Bérard s’attacha à valoriser une petite île qu’il avait identifiée comme le séjour de Calypso où elle est censée avoir gardé Ulysse prisonnier par amour pendant 7 ans. Il localisait cette île mythique, Ogygie, près de la presqu’île de Ceuta, aujourd’hui enclave espagnole au Maroc. Cet îlot est nommé Leïla ou Persil. Mais il argumenta pour un lieu de la presqu’île de Ceuta.

Aujourd’hui discutées par les spécialistes, les assertions de Bérard étaient alors des références et restent appréciées.
En conclusion de sa conférence, il prit de la hauteur en élargissant son sujet pour prôner les études classiques, rappelant le rôle majeur des Grecs au niveau artistique et dans la conception de la démocratie.
A la lecture comparée des relations du Petit Comtois et de la Dépêche Républicaine, cette dernière fournit indéniablement la meilleure avec des références à l’orateur beaucoup plus précises.
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