L’Éclair Comtois du 23 juillet 1919
Voici un descriptif rafraîchissant pour qui en a besoin au cours de cet été caniculaire. Nous sommes cent ans en arrière, loin des préoccupations liées au réchauffement climatique et à l’aube du tourisme régional. La guerre achevée, l’activité touristique reprend. Alors, beaucoup de Comtois, dont des Bisontins, ne connaissaient pas la source et les gorges du Lison, malgré sa proximité. Aussi, la Cie des chemins de fer d’Amathay-Vesigneux (ligne ouverte depuis Besançon en 1910 et fermée en 1951) met-elle en place une ligne d’autocar pour relier Amancey aux sites touristiques du Lison assez proches. D’une certaine façon, la Cie renoue avec les premiers circuits touristiques du Doubs créés en 1914 et abandonnés durant la guerre.
Le rédacteur, M.Parcley, est invité par cette Cie à faire la promotion du voyage. Il remplit sa tâche avec attention, prenant soin de vanter la ligne du tacot, pourtant bien lente, autant que l’autocar, qui plus est peu confortable ; il ne néglige pas non plus le restaurant fréquenté pour le repas de midi.

Suivons son récit de voyage en chemin de fer (tacot) et en autocar. Le véhicule est un 40 H. P Peugeot de 24 places vendu par la maison Goux ; celle-là même que créa Jules Goux, rue Granvelle à Besançon, lui qui venait de terminer 3e à Indianapolis le 31 mai précédent. Ce véhicule devait être ouvert car le récit du voyage parle des branches d’arbres qui auraient pu fouetter les voyageurs sans la virtuosité du chauffeur.
40 H.P, c’est à dire Horse Power, ou 40 chevaux (ch)
Il devait ressembler à celui ci-dessous dont on doit la photographie au très riche site de Élie Mandrillon sur les anciennes voies ferrées du Doubs. Qui plus est, cet autocar est photographié pendant la Grande Guerre en gare d’Amancey, là où commençait le circuit de visite des gorges du Lison comme celui que décrit le rédacteur ; il y a donc fort à parier qu’il s’agit du Peugeot évoqué par le rédacteur.


Le voyage en tortillard débutait à la gare de Rivotte de Besançon (cf. ci-dessous), disparue depuis. Le tracé de ce chemin de fer empruntait un tunnel sous la citadelle, aujourd’hui condamné, et ressortait faubourg de Tarragnoz. Poursuivant par Beurre, premier village traversé après les faubourgs bisontins, l’auteur signale sur cette commune un lieu attractif pour les citadins, le « bout du monde ». Puis, c’était la montée sur les plateaux avec ses « capricieux lacets » et M. Parcley se livre à des comparaisons malhabiles avec des routes aux panoramas plus grandioses.


Le parcours ferroviaire continuait par Pugey, Montrond, Epeugney et la voie descendait alors sur la vallée de la Loue, à Cléron dont le rédacteur vante les charmes à juste titre. Il cite le viaduc sur la Loue, celui-là même qui vient d’être choisi au loto du patrimoine par Stéphane Bern, le 11 juin dernier, pour être remis en état.


Le chemin de fer grimpe ensuite vers Amondans et Fertans comme l’indique le tracé pointillé jaune sur cette vue aérienne de 1929 empruntée à remonter le temps de l’IGN. Ce type de tacot méritait vraiment son nom de tortillard. Les deux flèches rouges pointent les viaducs dont il est question dans le texte du journaliste, dont celui de Cléron visible ci-dessus.

Dans le bourg d’Amancey, au cœur d’un plateau calcaire à 600 m d’altitude, les voyageurs descendaient du train qui continuait vers Amathay-Vesigneux. L’autocar prenait le relais et, par Eternoz, conduisait ses 24 passagers vers les gorges du Lison, sorte de canyon creusé dans les roches calcaires.
Après Nans-sous-Sainte-Anne, la source du Lison est une résurgence des eaux infiltrées sur le plateau supérieur et de ses propres pertes, comme celles du Creux Biard, 150 m plus haut.

Au passage, signalons cette erreur géologique du rédacteur qui voit une « muraille granitique » au dessus de ce gouffre alors que l’on est en pleine structure sédimentaire calcaire du Jurassique.

Pour illustrer avec de belles photos actuelles les sites que visitèrent les voyageurs de juillet 1919, on peut s’appuyer sur un article du blog du Petit Explorateur , informé par un tweet du 11 juin et ne négligeant aucun lieu. Rappelons aussi que cette source du Lison engagea Charles Beauquier dans un combat politique pour sa protection contre un projet hydroélectrique rejeté par les habitants de Nans. Il en sortit la première loi de protection des sites naturels en 1906.

A côté de la source, la Grotte Sarrazine inspire le rédacteur à faire des comparaisons architecturales religieuses : manteau de Saint-Christophe, péristyle, voutes hautes qui pourraient accueillir les tours de Notre-Dame de Paris…
Le repas de midi, pris à l’hôtel de la Poste de Nans, rassasie le groupe et le rédacteur fait sa publicité.

Après 14 heures, le chauffeur a encore le temps de conduire ses passagers au Pont du Diable, et la légende de sa construction est évidemment évoquée.
La photo est empruntée à l’article de Wikipédia sur Crouzet-Migette

Partis à 7 h du matin, leur retour commence à 16 h. Rentrés en gare de Rivotte, à Besançon, à 19h 30, la journée aura été bien remplie, avec plus de quatre heures passées dans le tacot. Et avec deux heures d’arrêt pour le repas de midi à l’Hôtel de la Poste.
En juillet-août, cette excursion se déroula tous les dimanches et même certains jours de semaine. La presse locale en informa ses lecteurs.

Un commentaire sur “Un peu de tourisme aux gorges du Lison en juillet 1919”