L’Éclair Comtois du 24 et du 25 septembre 1918
Tribune, par Jean MAÎTRE, conseiller général du Haut-Rhin (Territoire de Belfort), membre du conseil d’administration de l’Éclair Comtois.
D’emblée, l’auteur écarte la solution d’un retour à la situation d’avant 1870, la considérant comme sentimentale et simpliste.
A contrario, il estime que la législation alsacienne a de profondes différences avec celle des départements français et que certains aspects correspondent à des progrès. C’est le cas de la législation sociale sur les retraites ouvrières, sur la prise en charge de la vieillesse, de la maladie et des accidents du travail. On trouve là l’œuvre sociale amorcée au temps de Bismarck quand celui-ci avait eu la volonté politique de couper l’herbe sous le pied des socialistes en mettant en place les bases d’un système de sécurité sociale.
Une autre particularité signalée par jean Maître concerne le clergé largement rémunéré comme il l’était avant 1870 dans le cadre du concordat napoléonien et comme il le fut sous l’autorité allemande à l’exemple de tout le pays.
Bon connaisseur de l’Alsace, élu du Haut-Rhin – en fait le Territoire de Belfort que l’on persistait à appeler Haut-Rhin –
Jean Maître recommande de respecter les acquis et particularités alsaciennes afin d’éviter le risque d’un mécontentement des Alsaciens lors du retour à la France. Et il souhaite surtout que les liens commerciaux avec l’Allemagne ne soient pas rompus car ce pays représente des débouchés indispensables à son industrie textile. Son argumentaire habile souligne que ces industriels alsaciens du textile deviendraient alors des concurrents sur le seul marché français.
Dans l’édition du 25 septembre, jean Maître s’interroge sur le sort du Territoire de Belfort. Il le fait dans le cadre du projet de régionalisation économique lancé un an avant par le Gouvernement, cependant déjà bien compromis.
D’abord, il affirme que l’Alsace-Lorraine doit rester une région à part et ne pas être fragmentée pour rejoindre l’une ou l’autre des régions nouvelles envisagées. Quant au Territoire de Belfort, il voit mal sa fusion renouvelée avec l’Alsace tant les différences de législation et coutumes se sont accentuées durant ces cinquante années d’annexion allemande. Mais il n’écarte pas cette possibilité.
Autrement, il se demande s’il faut améliorer les liens entre Belfort et Nancy ou Dijon-Besançon. Il en ressort un choix indéniable pour Besançon et un parti pris pour la liaison Rhin-Rhône pour laquelle il verrait avec intérêt la réalisation du canal entre ces deux fleuves.
Pour le Territoire de Belfort, Jean Maître, à cette date, ne prend pas encore une position définitive entre un rattachement à l’Alsace ou à la Franche-Comté, mais des remarques le font pencher pour cette dernière.
Or, fin novembre, son opinion sera plus arrêtée et il souhaitera alors le retour de Belfort dans le département du Haut-Rhin.
La force du sentiment alsacien est toujours une réalité en 2018. On le voit depuis 2016 et la constitution de la nouvelle région du Grand Est.
À cette heure, des autorités réfléchissent à une fusion des deux départements alsaciens du Haut-Rhin et du Bas-Rhin ou à la formation d’une collectivité à statut particulier.