L’affaire TURMEL et la demande de moralisation des élus de la République

Éclair Comtois et Petit Comtois de la 2e quinzaine de septembre 1917

C’est encore l’occasion de faire un parallèle entre la vie politique d’hier et d’aujourd’hui.

Affaire d’espionnage au profit  de l’Allemagne de la part d’un député ? Ou rumeur calomnieuse ?
Conjointe à l’affaire Malvy, l’affaire TURMEL souleva une partie de l’opinion contre les parlementaires. L’antiparlementarisme restait sous-jacent au vu des réactions de nombreux journaux de droite plus ou moins extrêmes.

 

Tout commença par la découverte, au Parlement, d’une enveloppe contenant  des billets pour 25000 francs suisses. Elle s’avéra appartenir à un député des Côtes-du-Nord (Côtes d’Armor actuelles, en Bretagne), Louis TURMEL (1866-1919). La questure de l’Assemblée  à qui fut remise l’enveloppe enquêta dans la discrétion, mais cela finit par se savoir.

L’Éclair Comtois, comme toute la presse de droite, en  fit ses choux gras pendant plusieurs jours et reprocha (le 18 septembre) aux journaux radicaux de ne pas en faire autant, jetant la suspicion sur leur impartialité pour cause de proximité politique avec le suspect.

Turmel fut poursuivi pour « commerce avec l’ennemi » : des milliers de têtes de bétail auraient été achetées pour être livrées à l’Allemagne par la Suisse

Au début de l’affaire, le Petit Comtois ne lui accorda pas trop d’importance, comme d’ailleurs il l’avait fait pour celle du Bonnet Rouge. Respect de la présomption d’innocence ou simple gêne en raison de l’appartenance de Turmel au parti radical? L’Éclair Comtois ne se priva pas de soulever la deuxième question le 19 septembre.

Et puis l’on assista à un positionnement cocasse de l’Éclair Comtois par rapport au Petit ComtoisL’Éclair Comtois devenait un chaud partisan de la liberté de la presse et arguait que son concurrent préférait que l’affaire Turmel traîne au devant de la justice pour que celle-ci finisse par abandonner les poursuites. On ne peut pas soupçonner le Petit Comtois de ne pas être favorable à la liberté de la presse, mais il était de bonne guerre que l’Éclair Comtois l’accuse de ne pas s’en prévaloir dans cette affaire concernant un député radical.

Pour autant, durant les deux dernières semaines de septembre, le Petit Comtois rendit compte de l’évolution de l’affaire Turmel et il fut même censuré quand son chroniqueur Jules BLUZET s’en empara.  Sous le titre « les marchands du Temple », on peut voir quatre échoppages (coupes) dans la tribune de ce rédacteur, le 26 septembre. (extrait en fin d’article ↓)

Ne dissimulant pas la possibilité d’une malhonnêteté, celui-ci s’attaqua même de façon générale à certains parlementaires habiles pour s’enrichir au détriment de la nation comme de la morale.

Ainsi, une fois de plus, on retrouve cette impression d’actualité –pour le début de l’année 2017 et pour le débat du projet de loi sur la moralisation de la vie publique, cet été – quand BLUZET formule un souhait que l’on a beaucoup entendu lors des campagnes électorales de ce printemps, à savoir plus de décence et de dignité de la part des élus. Il poursuit en réclamant pour la législature suivante des mesures de moralisation pour les législateurs avec rappel des devoirs et sanctions prévues jusqu’à l’exclusion.

Sous cette IIIe République où le  Parlement avait le rôle politique principal (en tous cas bien supérieur à celui dont il dispose dans la Ve République), moraliser  au sommet de l’État s’imposait d’abord aux députés et sénateurs parce que l’exécutif était alors moins puissant.

Arrêté le 5 octobre, Turmel sera incarcéré et mourra à Fresnes le 5 janvier 1919. Comme souvent dans ce type d’affaire, les forces politiques non directement concernées ne se privèrent pas de salir l’homme et son parti, en l’occurrence celui des radicaux. L’affaire ne fut jamais éclaircie par la justice.

2 commentaires sur “L’affaire TURMEL et la demande de moralisation des élus de la République

  1. Bonjour

    En complément sur cet article concernant le député Louis Turmel et les
    accusations portées contre lui en septembre 1917, je vous informe que j’ai écrit un livre sur le sujet (L’affaire Turmel, aux Éditions Christian).
    Il contient l’élucidation complète de cette affaire qui n’avait jamais été élucidée.

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