Le Petit Comtois du 3 juin 1916
La presse énumère, de façon irrégulière, les pertes de l’armée, consacrant une place inégale aux morts, surtout « tués à l’ennemi ». Mais elle accorde aussi une attention certaine aux blessés et par l’énumération des médaillés militaires, on peut découvrir la gravité des blessures.
Le Petit Comtois, autant que l’Éclair Comtois, listent régulièrement les bénéficiaires de la médaille militaire.
Ainsi, n’importe laquelle de ces listes montre l’importance des amputés, bras ou jambes, et celle des « gueules cassées » à travers la perte d’un œil, voire des deux, parfois énucléé.
Ces hommes commencent à être réintégrés dans la vie civile en recevant une formation adaptée à leur handicap.
De nombreux postes ne nécessitant pas une intégrité physique parfaite sont désormais réservés à des victimes de la guerre. Parfois postes de fonctionnaires, buralistes, mais aussi postes dans le privé : garde, concierge…La société accorde ainsi un petit avantage en raison de ce qu’elle doit à ces jeunes hommes désormais handicapés.
Les actifs font défaut du fait de la mobilisation et l’on concilie deux causes par ces actions : l’intégration des mutilés au monde du travail et le pourvoi d’une main d’œuvre.
Les mutilés et blessés s’organisent aussi et des journaux leur permettent d’informer et de créer du lien entre personnes souffrant des mêmes problèmes.
Depuis le début de 1916, le Journal des Mutilés, Réformés et Blessés de guerre est un de ces organes.
Il propose de s’occuper des intérêts matériels et moraux de ses adhérents, de les renseigner sur leurs droits, de leur faciliter l’accès au travail et de centraliser toute information pouvant leur être utile.
On trouve ainsi, dans un des premiers exemplaires, un bilan de la rééducation, du service de la prothèse et du service de placement. Les chiffres témoignent d’une œuvre à ses débuts. L’ampleur de la tâche et l’impréparation sont perceptibles à la lecture de quelques éditions de 1916 de ce journal. Tâtonnement dans les formations données dans les centres de rééducation : trop de formation de tailleur, de cordonnier, de vannier… avec le risque de ne pouvoir vivre de ces métiers. Trop de demandes pour des postes de fonctionnaires dont les aspirants n’ont pas les capacités requises ; de même pour les comptables, les employés de bureau.
Les élus et les Gouvernements prirent conscience de ces nécessités et instituèrent dès 1916 un Office national des mutilés et réformés, alors rattaché au ministère du travail. Une décentralisation au niveau départemental (cf. ci-contre) fut immédiatement mise en place. Avec l’Office national des Pupilles de la Nation, créé officiellement en 1917, ces organismes sont vite submergés par les demandes d’indemnités.
En 1920, un regroupement conduit au premier ministère des Pensions, des primes et allocations diverses. Il est confié à André Maginot. Gravement blessé à la jambe dès novembre 1914, cet homme politique méritait une telle charge. (cf. billet du 11 novembre 1914).
Pour conclure, la presse locale permet d’évoquer un de ces emplois accordés par l’État en priorité aux blessés de guerre, celui de buraliste.
Il s’agit là du renoncement à un de ces emplois par un ancien combattant de 1870, d’autre part rescapé de la célèbre charge de cavalerie de Reichhoffen, M. Auguste BONNOT de Besançon, au profit d’un mutilé de la Grande Guerre alors en cours.
Cela devait être assez rare du fait de l’attachement à ces emplois considérés comme des sinécures, pour être souligné par le Petit Comtois.
Enfin, cette affiche extraite de ressources américaines, Library of Congress, permet de comprendre que les mêmes préoccupations se développaient en Allemagne.
Elle montre deux anciens combattants blessés et annonce une exposition à Cologne pour amasser des fonds.
Le dessinateur n’a pas insisté sur le handicap de ces hommes, mais le regard qu’il leur prête est lourd de sens.