La guerre et les paysages…

Le Petit Comtois du 2 février 1916Beauquier 1

Cet article de la Société pour la protection des paysages de France, reprit par le Petit Comtois, témoigne d’une préoccupation qui n’est pas la première pour beaucoup de gens concernés par les destructions dues à la guerre. En effet, la remise en état des terres cultivables, la reconstruction pure et simple des bâtiments détruits, en ville comme à la campagne, correspondent au souci premier des propriétaires. Or, ce sont d’abord les paysages, ruraux et urbains, qui font l’objet de l’attention de ce rédacteur…

Beauquier 2En fait, cette préoccupation est celle de Charles BEAUQUIER, collaborateur familier du Petit Comtois auquel il fournit des articles régulièrement et depuis longtemps, mais avec une fréquence accrue depuis qu’il a pris sa retraite de député en 1914, lui qui avait été élu de Besançon-ville, continuellement entre 1880 et 1914.
Il mourra le 12 août 1916, mais il trouve encore de la force dans ses convictions, comme il Beauquier 3l’avait montré en 1906, en défendant la loi, dite loi Beauquier, de « protection des sites et monuments naturels de caractère artistique ». Son action en faveur des paysages comtois et de la préservation de la Loue avait été remarquable. Et il la continua jusqu’au bout, puisque début mars, il s’adressait encore au Président du Conseil et à plusieurs ministres pour qu’ils ne donnent pas suite à un projet industriel à la source de la Loue.

Le voici soucieux des sols (les terres cultivées), des bois et forêts détruits par les obus, bouleversés, creusés d’entonnoirs et truffés de douilles, d’éclats et d’explosifs intacts. Plus loin, il cite les forêts d’Argonne, les crêtes des Vosges et les versants des vallées alsaciennes car il connaît les terribles combats d’Alsace à l’Hartmannswillerkopf ou au Lingekopf, ceux du Bois Bolante ou du Bois de la Gruerie en Argonne. Et encore ne peut-il connaître les destructions des nombreux bois au Nord de Verdun dont le pilonnage commença à la fin de ce mois de février 1916.

Beauquier 4Pour lui, la défense des paysages ruraux, des campagnes et bocages ravagés par la guerre, passe par leur reconstitution respectueuse des pratiques antérieures. La Société pour la protection des paysages de France, qu’il a fondée avec d’autres en 1901 – et qui existe toujours –  peut apporter son expertise à cette cause.

Souhaitant que les initiatives des propriétaires soient coordonnées et rationnelles, prenant en compte l’esthétique, l’efficacité des déplacements ainsi que l’hygiène, il en appelle à l’action des pouvoirs publics afin de réglementer.

Mais il ne souhaite pas l’uniformité. En citant Boileau, il est convaincu que le pittoresque passe aussi par un beau désordre qui est souvent un effet de l’art.

Beauquier 5Il évoque alors une loi en pleine navette au Parlement, déjà acceptée par l’Assemblée Nationale, mais encore à débattre au Sénat. Cette loi, votée en 1919 et reprise en 1924, obligea les villes de plus de 10 000 habitants à un plan d’aménagement, d’extension et d’embellissement. BEAUQUIER et quelques autres avaient déjà préparé l’avenir.

Beauquier 6S’inspirant des cités-jardins anglaises (Garden City) d’ Ebenezer Howard qui les avait conceptualisées,  cette forme d’urbanisme luttait contre les cités industrielles sans âme, laides et polluées en préconisant la maîtrise du foncier, la faible densité des constructions entourées d’une ceinture verte agricole ou non, l’existence de services publics et la libre installation des entrepreneurs.

En France, des architectes-urbanistes s’y intéressent aussi. À Besançon, c’est le cas de Maurice BOUTTERIN (1882-1970) dont l’influence, depuis son grand prix de Rome en 1909, est croissante auprès de l’élite locale. (Cf. article du 9 janvier). Après-guerre, il sera la cheville ouvrière du plan d’aménagement de Besançon, proposant, entre autres, une nouvelle cité-jardin dans le quartier de Saint-Ferjeux.

Et Charles Beauquier termine son article en faisant encore la promotion touristique de la France, ne manquant pas de citer le Jura et espérant de nombreux visiteurs français et étrangers. Et il en appelle à l’adhésion de tous pour la protection du patrimoine naturel.

On retrouve le même enthousiasme, réjouissant dans le terrible contexte de ce début 1916, qu’auprès des membres du syndicat d’initiative du Doubs, quelques temps auparavant défendant un projet de maison du tourisme.
BEAUQUIER, à près de 83 ans, demeure un ardent défenseur du beau, dans la nature.

Rappels sur Beauquier :

– 2 juillet 2014, classement des grottes de Remonot 

– 12 juin 2014 le régionalisme de Beauquier

– 8 juin 2014, hommage à Charles Beauquier par sa famille politique

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