Besançon : un projet inattendu dans le contexte de guerre

Un projet de pavillon pour le Syndicat d’Initiative du Doubs et de Besançon.

Le Petit Comtois et l’Éclair Comtois du 9 janvier 1916

Alors que la guerre continue à faire rage, voilà une double page de la presse locale assez inattendue tant elle s’écarte des préoccupations immédiates liées au conflit.09_01 Tourisme Bes titre PC

Les débuts du tourisme ferroviaire et routier, à Besançon et dans le Doubs, avaient été initiés par la Cie du PLM et la CCI du département. Le 1er circuit routier était inauguré tout juste un mois avant la guerre (billet du 1er juillet 1914). L’enthousiasme de ces précurseurs a été souligné. Il était tel que, passé les premiers mois de la guerre, ils retrouvèrent leur énergie pour préparer l’après-guerre et réfléchir à des investissements qui leur paraissaient indispensables. L’activité thermale de Besançon-les-Bains avait décliné avant même la guerre, il fallait absolument redonner de l’attrait à la ville de Besançon et au département du Doubs, pour cela, un pavillon du tourisme devait être construit.

Depuis la fin de l’année 1915, ce projet de bâtiment pour abriter le syndicat d’initiative était lancé et les éditions du Petit Comtois et de l’ÉclairComtois du 9 janvier 1916 publiait l’intégralité des prises de parole au Conseil Municipal du 11 décembre précédent, à ce propos. Nul doute que cet encart de deux pages avait été financé par le Syndicat d’Initiative.

Ces deux journaux avaient  publié à plusieurs reprises des articles intitulés « l’autre guerre » témoignant de l’attachement de nombreux notables pour le développement touristique local. Cette « autre guerre » était la guerre concurrentielle entre pays touristiques et il fallait préparer l’après-guerre, avec la défaite allemande espérée, pour capter la clientèle étrangère qui se rendait jusque là en Allemagne ou en Autriche. C’est pourquoi, lors du débat municipal, M. Auguste JOUCHOUX (1875-1956), rapporteur du Syndicat d’Initiative, ouvrier horloger, syndicaliste, socialiste, élu de l’opposition municipale en 1914, parle de la promesse russe, après guerre, de boycotter les stations thermales allemandes, autrichiennes et même suisses alémaniques, annonçant plus de 300 000 nouveaux clients pour la France. Besançon devait en profiter, pensait-on. Jouchoux admettait l’intérêt économique de ce projet et le soutenait entièrement.

On est perplexe devant le manque de réalisme sur l’avenir de la part des intervenants à ce Conseil. Pourtant, l’information sur les difficultés financières publiques ne manquent pas dans les mêmes journaux. Quant à l’avenir de la Russie, s’il est alors impossible de prévoir la Révolution communiste, il est clair que le pays sera affaibli par la guerre, y compris ses élites financières et ne pourra pas fournir rapidement une telle clientèle de touristes aisés. 09_01 Tourisme AdlerMais il est évident que les différents rapporteurs de ce projet surent, à cette date, convaincre le Conseil Municipal.
Aussi peut-on être admiratif devant leur volontarisme. Leurs propos faisaient preuve d’une foi dans l’avenir tout à fait rassurante et bienvenue dans ce contexte de guerre longue et terrible. Voilà une démarche délibérée, une projection optimiste pour renverser le pessimisme ambiant et pousser les Bisontins à sortir de leurs soucis immédiats pour envisager des lendemains constructifs et prospères.

Deux pages, très denses, sont consacrées à ce projet et la première débute par des dessins et plans de l’architecte Maurice BOUTTERIN.
Cet homme œuvrera durablement à l’embellissement de la ville dans l’entre-deux-guerres.
09_01 Tourisme plan

Pour localiser le projet, plan ci-dessus extrait des projets Boutterin de l’entre-deux-guerres.

Le pavillon aurait été construit à l’emplacement de l’actuel Office du tourisme, face au  casino et aux thermes.  Sa conception est caractéristique de l’époque, mêlant classicisme et modernité de l’Art Nouveau, courbes, verrières, détails ornementaux.09_01 Tourisme Bes double

Le Conseil Municipal vota le principe d’une subvention de quinze annuités de 15000 francs. Mais les difficultés à venir ne permirent pas le financement et le projet n’aboutit pas. L’Office de tourisme fut installé dans un nouvel immeuble, le Building, rue Proudhon, dans les années 1930 avant de retrouver la localisation initialement prévue en 1916.

 À Besançon, au coeur du grand conflit, des hommes s’employaient à poursuivre leur entreprise de développement touristique de la cité et du département. 09_01 Tourisme JouchouxLeur enthousiasme paraît en décalage avec la dureté des temps, mais cette espérance en l’avenir contribua assurément à entretenir le moral des dirigeants locaux, même si certains acteurs de cette affaire, à côté du souci de la collectivité, pensaient aussi à leurs intérêts personnels.
La lassitude, dans cette guerre d’usure, guettait chacun, mais ce genre de projet pouvait y remédier, au moins momentanément.

09_01 Tourisme Bes plans

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