Le député Bernard et les troupes indigènes

Le Petit Comtois du 24 novembre 1915

24_11 PC Bernard_indigènesLe 12 novembre 1915, le député Maurice Bernard, élu de la circonscription de Besançon depuis les législatives de 1914, succédant à Charles Beauquier, rend compte à l’Assemblée Nationale d’un projet d’armée indigène.
Joseph Pinard a déjà commenté le rapport de ce député local. Son analyse est sur le site migrations.besancon.fr
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Appartenant à la Commission parlementaire de l’armée, Bernard rapportait le souci de beaucoup de militaires et de Français sur le manque d’effectifs. La guerre avait déjà été très meurtrière ; la classe 1916 était incorporée et l’on pensait déjà à appeler celle de 1917… en décembre 1915.
C’est pourquoi, à une époque où la démographie française était languissante, des politiques comme certains militaires voyaient dans l’empire colonial la seule réserve humaine possible pour écraser l’Allemagne. D’autre part, la guerre en Serbie avait obligé à prélever des ressources en hommes pour l’expédition de Salonique. Or, celle-ci n’était pas à la hauteur de l’enjeu, faute de moyens humains.

24_11 PC Bernard_indigènes 4Livrant un dénombrement des populations indigènes pour 1914, le député estime alors à moins de 100 000 hommes le recrutement déjà fait dans ces colonies. Pour lui, c’est insuffisant et il pense que quelques centaines de milliers de volontaires doivent être enrôlés.24_11 PC Bernard_indigènes 5 Profitant de cette tribune pour rappeler la valeur guerrière des soldats indigènes, il fait l’éloge du comportement au combat des Africains comme des Indochinois. Il sait pourtant que leur formation est indispensable et il recommande qu’elle se fasse dans les colonies elles-mêmes afin de ne pas arracher trop brutalement ces hommes à leur milieu. De même, conscient de la diversité des peuples concernés et de leurs rivalités, il estime nécessaire de faire des régiments respectant l’homogénéité d’origine de ces hommes, surtout pour les Asiatiques, car la multiplicité ethnique africaine ne le facilite pas.

24_11 PC Bernard_indigènes 6Quant au problème de la langue, fondamental pour la transmission des ordres, il le balaye d’un revers considérant la capacité des cadres coloniaux à apprendre à leurs subalternes indigènes un «sabire » basique suffisant pour qu’ils les comprennent.

Enfin, sûr de satisfaire ces hommes si on les payait convenablement, il propose, outre une prime d’engagement, le droit aux allocations de toute nature dont bénéficient les soldats, et des concessions de terres dans leur colonie d’origine. N’oubliant pas l’impact sur ceux qui restent au pays, il ajoute une allocation pour les femmes des engagés. Et, pour les décès et infirmités, des pensions sont envisagées.

Pour terminer, les propos de Joseph Pinard en page 3 sur le site migrations.besancon.fr permettent une remarque critique sur ce projet de loi :
« Pourquoi, penseront certains, publier ces documents ? Il ne s’agit pas de verser dans des repentances tous azimuts à la mode. Il s’agit de connaître des faits qui ont nourri une mémoire autre que la nôtre et peuvent expliquer des réactions chez les descendants des soldats indigènes. Mais il ne faut pas céder à un manichéisme simpliste. […]  Une dame de 98 ans m’a confié un document montrant comment son mari avait bénéficié de la gratitude des Annamites qui étaient sous ses ordres pour les avoir soignés efficacement, à l’aide de quinine et de teinture d’iode, lors de la terrible épidémie de grippe espagnole.
La vérité, c’est aussi, hélas, ce que fut le recours au bourrage de crâne. Dans ce cadre, et toujours pour essayer de maintenir un moral mal en point du fait de la durée d’un conflit sanglant, on racontait que les troupes noires terrorisaient les Allemands qui fuyaient devant ces guerriers féroces. Ne confectionnaient-ils pas des colliers avec les oreilles des malheureux qui tombaient entre leurs mains ?
Ces légendes ont contribué à nourrir le racisme habilement exploité par les nazis. Et l’on sait que les troupes d’Hitler se sont montrées particulièrement dures en regard de nos coloniaux en 1940. » 

 

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