Article précédent sur le même sujet.
La numérisation des fiches du site gouvernemental Mémoire des Hommes (MDH) a déjà permis une approche avec quelques données sur les (presque) 2000 soldats originaires de Suisse « Morts Pour La France » (MPLF) et, pour quelques-uns Non Morts Pour La France (NMPLF), mais morts en France ou sur un front extérieur dans un corps d’armée français.
Depuis le précédent billet, la numérisation a progressé et la base statistique exploitable permet d’autres précisions. Au 20 août 2015, la mise à jour de la base donne précisément 1990 individus natifs de Suisse morts pour la France pour la plupart et, quelquefois, NMPLF. Certaines fiches ont été écartées car leur lieu de naissance avait été mal identifié et classé à tort en Suisse. L’intégralité des hommes déclarés nés en Suisse a été notifiée.
La mise à jour de la répartition de ces soldats pour les principaux centres de recrutement confirme l’importance de trois villes (hors Paris qui se classerait en 2e position pour les inscriptions dans ses différents bureaux). Lyon se range au cinquième rang derrière les trois centres ci-dessous :
– Annecy = 463 natifs de Suisse recrutés avec une provenance de Genève dominante (voir plus bas).
– Belfort = 207, surtout pour les Bâlois et le canton du Jura (alors canton de Berne), mais avec d’autres provenances.
– Besançon = 174, avec des provenances diverses, mais avant tout des cantons de Neuchâtel et de Vaud, à la frontière immédiate du département du Doubs.
GENÈVE, à elle seule compte 371 soldats MPLF uniquement sur la commune centre telle qu’elle était définie au début du XXe siècle. Or d’autres étaient nés à Plainpalais, à Carouge ou aux Eaux-Vives, c’est à dire des villes de l’actuelle agglomération genevoise ou d’anciennes communes ayant fusionné avec Genève. On totalise actuellement 214 natifs de ces anciennes ou actuelles communes, en comptant ceux de Saconnex, Grand et Petit, des Tranchées, du Vernier, de Corsier, Thônex, Chambésy ou de Chêne-Bougeries. On dénombre alors 585 soldats MPLF, nés dans l’agglomération genevoise ou/et dans le canton. Cela représente plus de 25% des soldats natifs de Suisse et morts dans ce conflit en appartenant à l’armée française. On peut, sans risque de se tromper, estimer à près de 3000 la totalité des soldats originaires de cette ville à avoir combattu dans l’armée française. On se base alors sur le pourcentage des pertes françaises par rapport aux mobilisés, soit 17.5%. (cf. rappel ci-dessous pour la lecture de la carte)
LA CARTE COLLABORATIVE Google/Maps, en cours d’élaboration, pour localiser les « poilus » Morts pour la France repère les lieux de naissance ou de résidence et chiffre les hommes concernés. Pour les Suisses d’origine, qu’il aient été ou non naturalisés français, cette carte est terminée à partir des données de Mémoire des Hommes. Il reste à faire quelques vérifications, mais selon ces sources, le résultat est ce que l’on peut lire globalement ou en cliquant sur les fanions ou bulles pour connaître les détails par commune. Les communes peuvent ne plus être aujourd’hui de plein exercice en raison des fusions réalisées depuis.
La carte livre d’ores et déjà des informations suffisantes, même s’il manque une lecture plus parlante avec signes proportionnels.
Rappel : les chiffres qui suivent sont obtenus avec une seule source, celle des pertes enregistrées sur la base de Mémoire des Hommes. Le nombre de Suisses réellement engagé dans l’armée française est à multiplier par 4 ou 5 si l’on prend comme référence le pourcentage des pertes par rapport aux mobilisés de cette armée (soit 17,5%). Mais cela est très aléatoire pour les petites communes où l’on trouve un ou deux MPLF.
On remarquera sans surprise la prédominance des lieux d’origine de Suisse romande, francophone.
Genève y tient donc la 1ère place. Lausanne, avec plus de 70 natifs suit loin derrière et ne représente plus qu’à peine 4% de l’ensemble. Si on regroupe les natifs de La-Chaux-de-Fonds (43), du Locle (20) et des Brenets (5), communes qui se touchent, on en totalise 68, mais l’on reste en-dessous de 4%.
La dispersion des lieux d’origine est remarquable et il n’ y a plus que Neuchâtel (37) et Porrentruy (42) pour compter plusieurs dizaines d’hommes Morts pour la France. Les autres lieux dépassent plus rarement 10 individus et se limitent souvent à quelques unités. Vevey et Montreux font exception avec 18 et 11. Ceci est évidemment fonction de la population de ces centres communaux. Les villes, selon leur importance sont, en effet, plus concernées que les petits villages. Cependant, dans le Jura, les volontaires n’ont pas manqué au vu des pertes notées par rapport à la densité de population.
La dispersion des recrutements se retrouve aussi du côté de la Suisse germanophone.
Bâle, avec près d’une cinquantaine d’individus morts, a fourni un contingent remarquable, certainement quelques centaines de soldats. La proximité de la frontière alsacienne et française permet de le comprendre. D’ailleurs, bien que nés à Bâle, les exemples de BERNARD Louis, DUCHÈNE Gaston ou encore HUGUENIN Édouard donnent des noms français, même si la majorité des patronymes des « Morts pour la France » bâlois est germanique.
Issus de Zurich, les 24 « Morts pour la France » identifiés par le registre de Mémoire des Hommes témoignent de l’engagement d’autres alémaniques en France, pour la moitié dans la Légion Étrangère (billet à venir en septembre).
Ainsi Otto SCHMID, engagé en 1918 et qui avait été naturalisé deux années avant. (cf. ci-contre)
On trouve quelques individus nés dans les cantons de Saint-Gall, Zoug, Lucerne, Argovie, Thurgovie, Schwytz ou Schaffhouse.
À la limite de la Suisse romande et alémanique, Fribourg (10) et Bienne (19) ont encore fourni des hommes en nombre pour la France. Ces villes ont une population mixte, francophone et germanophone.
Berne (23), comme Bâle (45) ou Zurich (24), et même Lucerne (9) bien qu’alémaniques ont un effectif qui doit être aussi rapporté à la taille des communes.
On ne doute pas que les engagés du côté de l’Allemagne et de l’Autriche aient été plus nombreux dans cette partie de la Suisse. Les sources accessibles manquent.
Le Tessin italophone est également concerné dans quelques localités des rives du lac Majeur et du Lac de Lugano avec 7 hommes originaires de là.
La juxtaposition des deux cartes ci-dessous ne fait que confirmer les commentaires précédents : forte concentration des fanions sur la Suisse romande, mais aussi dispersion ; dissémination plus grande en Suisse alémanique. Enfin la partie alpine la plus élevée en altitude est peu concernée car normalement moins peuplée.Prochain billet : quelques cas particuliers de « Suisses Morts pour la France. »