Le Petit Comtois du 15 juillet 1915
Cette carte postale, assez mièvre, a pour objectif de représenter ce que l’on attendait des femmes comme des hommes : une détermination inflexible face à l’ennemi. Cet article du petit Comtois montre combien celles-ci pouvaient se conformer à cette attente, en tous cas dans le cadre de la propagande.
Les premières permissions soulevaient le problème du retour du soldat et surtout de son départ après son court séjour, alors qu’ on ne peut plus abuser quiconque avec « la guerre courte », la victoire rapide », ni dissimuler le risque mortel rencontré par toux ceux qui montent au front. Bref, on sait ce que veut dire « être au front » et l’on devine la force d’attractivité du foyer pour celui qui allait avoir la chance de le rejoindre brièvement.
Il n’y eut pas de permissions accordées aux soldats avant l’été 1915. La guerre et les combats impliquaient la présence de tous et les permissions n’étaient pas réglementaires.
Il fallut attendre le 30 juin pour que le généralissime Joffre accorda huit jours par an aux soldats. Cela devait se faire par roulement, mais la fréquence était insuffisante et à peine 10% des hommes en bénéficièrent avant 1916.
Il semble que l’auteure de cet article du Petit Comtois, une suffragette, ait compris qu’un tel rythme allait créer des mécontentements et elle commença précautionneusement par dire que seules quelques femmes pourraient en profiter et pour quelques jours seulement.
La rédactrice, Mme de Witt-Schlumberger, est présidente de L’Union Française des Femmes pour le suffrage des Femmes de Besançon. Cette association a déjà été présentée le 14 mars 2014 et le 26 avril 2014 lors d’un vote fictif au moment des législatives de 1914. On n’en devinait pas alors, dans le contexte de revendications politiques, le nationalisme et le patriotisme virulents, mais celui-ci éclate vivement dans ces quelques lignes.
Point de réjouissance excessive ni de bonheur trop apparent, point de laisser-aller à des pleurs, des lamentations, non, mais une tendresse vivifiante et non amollissante ; voilà ce que cette femme conseille aux épouses, fiancées, sœurs ou mères de soldats.
La crainte de voir ceux-ci incapables de repartir ou de le faire avec réticence est telle que ces femmes veulent s’imposer un comportement digne, considérer comme un devoir patriotique d’encourager le soldat permissionnaire à retourner faire son devoir. Toutefois, la peur de passer pour déserteur et les sanctions du conseil de guerre avaient plus d’effet sur le soldat.
Viennent à l’esprit toutes les allégories de la République sous les traits d’une femme, fière et forte, héroïne antique, protectrice et bienveillante, mais déterminée à se battre pour ses valeurs.
Mais combien de soldats eurent du mal à retourner au front, à quitter un foyer que la douceur féminine rendait si attirant … À la lecture de fiches matricule, on trouve des cas assez fréquents de permissionnaires ayant retardé leur retour. Ce n’était souvent que de quelques jours et les transports pouvaient y être pour quelque chose, mais le conseil de guerre sévissait, parfois brièvement car l’on avait besoin de troupes au complet.
Étaient-elles seulement marquées profondément par la propagande, ces femmes engagées en politique pour l’obtention du droit de vote? Ou avaient-elles parfaitement compris qu’il leur fallait montrer autant de courage que les hommes si elles voulaient avoir une chance de faire adopter leur revendication?
Mais quelle abnégation pour s’imposer une telle attitude et lesquelles pouvaient y parvenir?
Jean-Louis FORAIN a ainsi illustré les premières permissions en 1915