La bobine de fil menacée par la guerre.
L’Éclair Comtois du 30 juin 1915
C’est à des petits détails que l’on mesure aussi la diversité des conséquences du conflit sur la vie quotidienne.
Bien sûr, celui qui est ici évoqué n’a rien à voir avec l’hécatombe de jeunes hommes, tués, morts de blessures ou de maladie, prisonniers souffrant de privations ou du typhus, blessés amputés, gueules cassées… Et toutes ces mères effondrées de douleur, ces pères désespérés…
Les ménagères manquaient donc de fil à deux sous ; parce qu’il s’agit d’elles, les femmes, elles qui cousaient, reprisaient, rapiéçaient les vêtements de toute la famille ; elles qui prenaient soin d’envoyer à leur mari, leur fils, leur frère alors au front, un colis de nourriture et de tabac auquel elles joignaient souvent un sous-vêtement, des chaussettes, une chemise légère pour l’été, quelque habit ou écharpe plus chauds pour les mauvaises saisons.
Et pour cela, il fallait assembler, coudre, repriser. Si la laine ne semblait pas manquer, il n’en était pas de même pour le fil de lin ou de coton. Le rédacteur de cet article donne bien les explications de cette pénurie. Il précise d’abord que les régions productrices de lin sont sous occupation allemande, qu’elles soient belges ou françaises. Pour le coton, l’approvisionnement ne faisait pas défaut puisqu’importé d’Amérique, d’Égypte ou d’Inde. Même si la navigation était moins sûre, en cet été 1915, le commerce international avait bien repris pour la France et l’Angleterre. Mais il est vrai que les mêmes régions de culture du lin étaient celles de l’industrie du peignage et de la filature. Et elles sont donc occupées. Et s’il existe d’autres villes d’industries textiles qui peuvent suppléer Lille-Roubaix-Tourcoing ou Saint-Quentin, la hausse des matières premières et sources d’énergie les handicape grandement. Même le bois pour bobines a augmenté de 60%.
Les effets néfastes de l’inflation affectent donc aussi la petite bobine à deux sous si utile dans le quotidien de l’époque.