L’Éclair Comtois du 21 mai 1915
Voilà un slogan qui, malgré son antériorité, demeure familier. Il est aujourd’hui celui de l’Oeuvre française, groupuscule extrémiste, mais il se rapproche aussi d’un slogan du Front National comme « les Français d’abord » et bien des adeptes de ce parti les confondraient sans se questionner sur leur différence.
Il est habituellement attribué à toutes sortes de groupes d’extrême-droite des années trente. Les Ligues en étaient les propagandistes dans leurs défilés. Vichy le reprit et l’appliqua avec une loi de dénaturalisation. La xénophobie était alors virulente et, comme dans toutes les périodes de difficultés, nombreux étaient ceux qui voulaient des responsables et il était si facile de s’en prendre aux étrangers ;
On le trouve en 1915 dans la Libre Parole d’Edouard Drumond, ce nationaliste et antisémite si actif depuis l’affaire Dreyfus. Et il est repris à la une de l’Éclair Comtois de ce 21 mai 1915. La proximité de ce journal local avec ceux de l’extrême-droite parisienne a déjà été notée. Toutefois, il s’en différenciait aussi avec son catholicisme affiché.
Le rédacteur évoque un projet de loi de dénaturalisation de Joseph Denais (1877-1960), député de Paris, homme de droite et antisémite comme Drumont, il n’est pas étonnant de le voir qualifié d’ami dans la Libre Parole. Les étrangers qui inquiétaient ces nationalistes étaient en fait des Allemands naturalisés. Il leur était insupportable de voir des noms allemands sur des sociétés, des entreprises et ils en faisaient des boucs-émissaires, profitant de la haine des Allemands que la guerre développait (cf. article du 13 décembre: en 1914, il ne faisait pas bon porter un nom allemand…).
En fait, la loi du 7 avril 1915 prévoyait déjà de revoir la naturalisation des personnes ayant obtenu la nationalité française après le 1er janvier 1913. De même, un décret complétant cette loi permettait au Gouvernement de revenir sur la nationalité française des personnes issues des pays en guerre contre la France. La législation en resta là et l’application en fut assez rare, mais elle se fit aussi comme en atteste cet entrefilet de l’Éclair Comtois du 31 mai 1915 dans lequel deux francs-comtois originaires d’Allemagne (mais l’un est pourtant alsacien) sont déclarés dénaturalisés.