Le Petit Comtois du 24 décembre 1914
Louis Lastret consacre son deuxième feuillet de guerre aux campagnes de presse allemandes. À le lire, la propagande et la censure y sont fortes, alors qu’en France l’esprit critique continuerait à se manifester dans les journaux.
Or, c’est plutôt l’inverse et si la censure est implacable dans un État, c’est bien en France.
Dans des émissions de France bleu, l’historien allemand Gerd Krumeich différencie très bien la presse française de la presse allemande dans les premiers mois de la guerre. Il met ainsi en évidence le poids de la censure côté français. L’autorité centralisée se révèle beaucoup plus efficace que dans l’Empire allemand fédéral. Pour preuve, en août 1914, alors que les journaux français dissimulent les succès allemands en Belgique et dans le nord de la France, les journaux allemands ne cachent pas la perte (provisoire) de Mulhouse.
Louis Lastret a rédigé cet article pour confondre la duplicité allemande, remarquée dans la presse, qui consisterait à admettre la vaillance de la France, la bravoure et le sens de l’honneur de ses soldats.
En effet, début décembre 1914, les journaux allemands semblent suggérer une réconciliation, une ouverture de discussion avec la France, sans pour autant la préciser. Au contraire, l’Angleterre est l’ennemie à abattre, l’adversaire responsable de tous les ennuis de l’Allemagne.
Lastret a raison d’y voir une campagne visant à diviser les alliés et de rappeler la nécessaire cohésion entre eux et les exactions allemandes en Belgique et sur le territoire français pour éviter tout risque de crédulité envers cette fausse sympathie allemande.
En fait, l’autorité allemande a découvert avec effroi comment elle avait sous-estimé la France et son armée. Le plan Schlieffen en était l’illustration la plus claire puisqu’il envisageait l’écrasement de la France en quelques semaines avant de se reporter contre la Russie.
Gerd Krumeich, dans les interviews de France bleu, souligne à juste titre que les Allemands n’avaient aucun terme dépréciatif vis à vis des Français, parce qu’ils les considéraient comme quantité négligeable. Alors qu’en France, les Allemands étaient appelés les Boches pour les dévaloriser et minimiser ainsi la crainte qu’ils inspiraient, même si ce terme était moins en vogue avant la déclaration de guerre qu’entre 1870 et 1900.
Terminant par une exhortation à la détermination pour se battre, Louis Lastret suit les discours des politiques si clairement rappelés la veille au Parlement : tenir et combattre jusqu’à la défaite allemande.
Dans le Bulletin des Armées du 24 au 27 décembre 1914, Ernest Lavisse rédigeait aussi un éloge aux soldats de France qui faisait référence à cette campagne de presse allemande.