… qui comprennent un peu tard leur erreur.
Les Petits Comtois des 23 au 26 septembre 1914
Reims, sa cathédrale, ce bijou gothique du XIIIe siècle, est bombardée par les Allemands à partir du 19 septembre
Et la presse française et européenne se déchaîne contre les Barbares, les vandales, les Huns… Tous les noms des peuples envahisseurs des grandes invasions antiques, à la réputation de ravageurs, deviennent bons pour qualifier les Allemands, d’autant que beaucoup de ces peuples étaient germains. On appelle à venger la civilisation autant que la patrie, par respect pour ce qu’il y a de plus beau. D’après le Petit Comtois (ci-contre) la presse italienne se montre la plus indignée. La presse française souligne d’autant cette indignation ultramontaine qu’un rapprochement avec cet État de la Triple Alliance, resté neutre jusque là, semble de plus en plus possible avec une entrée en guerre aux côtés de l’Entente.
Le Daily mail, en Angleterre, n’est pas en reste et parle aussi de vandalisme abominable. L’incendie dont il est question dans l’extrait ci-contre a été d’autant plus destructeur que les obus l’ont communiqué à des échafaudages alors en place pour des réparations.La partie gauche (nord) de la façade est alors la plus touchée. Un peu plus tard, les États-Unis, à leur tour, se renseignent sur ce bombardement. Reims est bien une cité-clé de l’histoire de France et les Américains ne restent pas indifférents à ces destructions.
Cette réprobation unanime dans la presse européenne et américaine oblige les Allemands à se justifier, du reste maladroitement. (ci-contre) Pour autant, il est avéré qu’un poste d’observation occupait le haut des tours et guidait l’artillerie française. Les Allemands avaient aussi une explication à leurs tirs. Ils la donnèrent officiellement le 24 septembre.
Plus tard, l’archéologue et historien Robert TRIGER se rendit sur place pour évaluer les dégâts. Il fit une conférence (en ligne sur Gallica) au Mans le 16 décembre 1916 et sa position (extrait ci-contre) résume assez bien ce que l’on put lire dans la presse fin septembre 1914. Mais, par souci de propagande antiallemande, il nourrit son texte de propos patriotiques.
Triger va jusqu’à considérer un renforcement de l’Union sacrée autour de ce monument mutilé, incarnant tant l’histoire de France. C’est celle de ses rois et de Jeanne d’Arc, mais les Républicains ne s’en offusquaient pas ; après tout cette cathédrale, comme les autres, représentait un véritable palais accessible au peuple avec la beauté éclatante et souriante de sa statuaire.
Triger a donné des précisions sur les destructions. Sur le portail nord, plusieurs statues avaient été mutilées dont celles de Saint Rémi, et celles de l’ange au sourire et de la reine de Saba étaient décapitées. Pierres calcinées, pinacles effondrés ne l’empêche pas de signaler que les voûtes avaient résisté et que l’ensemble n’avait pas l’aspect d’une ruine, même si les vitraux étaient tous brisés.
Dès la fin de l’année 1914, en façade des sacs de terre sont installés pour protéger les statues. Photo 1915 in Gallica
Pus loin, le palais archiépiscopal, côté sud, était presque entièrement détruit.
L’épisode fut mis à profit par la propagande française, venant appuyer un peu plus les condamnations des exactions allemandes en Belgique et en France depuis le début du conflit.
La fin d’un article de l’historien et diplomate, Gabriel Hanoteaux, paru en une du Petit Comtois du 26 septembre, appelle à la détermination et à l’antidéfaitisme ; il fait encore référence à la cathédrale de Reims.L’article mérite une lecture intégrale, pour sa qualité littéraire, mais aussi pour sa justesse. Bien sûr, il est patriote, mais il ne nie pas aussi la vérité : les inquiétudes, les doutes, l’horreur des combats…