Le Petit comtois du 27 juillet 1914
Écrit par L. Cordelier et paru dans l’édition du 27 juillet, voici ce qu’ont pu lire les Bisontins et les acheteurs ou abonnés du Petit Comtois.
Intitulée « LA GUERRE » cette tribune ne cache rien des risques encourus et déduit parfaitement les conséquences de l’ultimatum autrichien. Convaincu que la guerre (qui n’est pas encore déclarée, mais que la détermination austro-hongroise annonce) ne peut se limiter au conflit entre ces deux États, Cordelier présente la position russe comme celle d’un pays provoqué, agressé même.Aussi est-il persuadé que l’on va vers la grande boucherie
[…], vers une conflagration européenne jetant vingt millions d’hommes les uns sur les autres de l’Atlantique à la Vistule, de la Mer du Nord à la Méditerranée.
Le rédacteur a beau évoquer ce qui reste d’incertitude dans l’évolution à venir des événements, [« à deux doigts d’une guerre générale »] il ne croit pas à la paix. En titrant son article « LA GUERRE », il montre aussi son acceptation. Et sa conclusion est nette, il la veut. Son souhait n’est pas la paix, mais le fonctionnement de la Triple Entente entre France, Russie et Angleterre pour affronter la Triple alliance. Comme il attend de tous les Français qu’ils fassent leur devoir : la guerre.
Dans les mois précédents, Cordelier a montré constamment que, dans son esprit, la guerre était inévitable. Les événements semblent lui donner raison et il se hâte vers cette échéance. Au fond de lui, il ne veut pas que les chefs d’État essaient encore de sauvegarder la paix. Il n’est pas le seul à avoir cette position, beaucoup d’hommes politiques adoptent ce raisonnement, celui de la guerre inévitable.
Localement la vie continue. À Besançon, le journal rend compte de la distribution des prix à l’École d’Horlogerie, des discours et du banquet qui l’accompagnent. Les résultats du Tour de France, achevé le 26 juillet, figurent tout de même en une. Les faits locaux (bisontins) n’éludent pas un meurtre suite à une violente algarade entre ouvriers, dont quatre d’origine italiennes.
Mais le billet le plus intéressant concerne « la rentrée des troupes ». Besançon, ville de garnison, voit revenir les troupes qui étaient dispersées dans des camps d’instruction. Le rédacteur peut toujours prétendre qu’il ne s’agit pas de mesures préparatoires à la mobilisation, tout le monde ne devait pas être dupe. Certes, la mobilisation n’est pas proclamée, mais les régiments se reconstituent pour y être prêt.
En page trois du Petit comtois, on trouve des lignes encore plus explicites sur l’état d’esprit des gens d’ici, de Belfort pour être précis. À Belfort avait lieu, la veille, une grande manifestation patriotique et républicaine, en fait, il s’agissait du parti radical qui fêtait la réélection, pour la 4ème fois, du député Charles Schneider en mai. Nommer cette manifestation ainsi c’est éviter de lui donner un aspect trop partisan et vantard après un succès électoral. Aussi, le sénateur Laurent Thierry, qui prit la parole lors de cette manifestation, conclut-il son discours en prenant soin d’appeler à l’union de tous les Français dans le contexte international (extrait ci-dessus).
Le préfet qui prend la parole ensuite est dans le même état d’esprit. Il dit que l’heure est à l’union, parce que l’heure est grave [il parle de menace contre la France]. Il appelle à cette union non pas les membres d’un même parti, mais tous les citoyens de la nation.
« L’Union Sacrée » n’est pas encore faite, mais les esprits y sont prêts. Et, le chef de gouvernement Viviani et le Président de la République Poincaré, quand ils y appelleront, début août, n’auront pas besoin d’être persuasifs, la classe politique, tous bords confondus, y était prête.