… D’autres s’en réjouissaient et pressentaient leur assagissement.
Le Petit Comtois du 15 mai 1914
Alphonse Aulard assure la rubrique Opinions du Petit Comtois du 15 mai 1914. Le lendemain des élections conduit à toutes sortes d’analyse. Celle-ci est faite par un personnage fortement engagé dans la vie publique. Aulard (1849-1928) est historien, spécialiste de la période révolutionnaire, mais il est aussi radical-socialiste et l’un des fondateurs de la Ligue des droits de l’homme en 1898.
Il évoque ici la peur des républicains modérés après que des radicaux aient accepté de se désister pour des socialistes lors du 2ème tour des législatives, rendant crédible la formation d’un bloc des gauches. Or, la SFIO (Socialistes unifiés) est marxiste, révolutionnaire et internationaliste.
Qui sont ces modérés qui craignent un bloc des gauches ? Ce sont ceux de la Fédération des Gauches, et particulièrement ceux qui ont été battus par ce système de désistement entre socialistes et radicaux-socialistes. Aulard a beau rappeler que, lors de son dernier congrès, la SFIO a fait le choix très clair de la République démocratique, il voit bien que les modérés ont peur d’une collectivisation possible. Pourtant Jaurès est conscient qu’il n’est pas possible d’y parvenir à marche forcée sans violence ; or, il rejette la violence et Aulard a raison de dire que « nous serons donc, jeunes et vieux, morts quand cette heure sonnera ». Le grand soir ou les lendemains qui chantent ne sont donc pas pour…demain.
Quand, enfin, Alphonse Aulard parle de l’antipatriotisme reproché aux socialistes, il montre que même à la CGT on n’a plus de goût pour l’anarchie, trop antimilitariste, du fait de l’agressivité de l’Allemagne.
Là, il est possible de constater qu’Aulard a pressenti l’Union sacrée, pour la défense de la France. Il sait que pour les radicaux l’alliance avec la SFIO n’est pas possible sur tout, mais elle permettra au moins le progrès social. Et il veut croire que le groupe parlementaire imposant qu’elle constitue désormais s’assagira car il n’a pas besoin de hurler pour se faire entendre. Avec Jaurès, tout espoir en ce sens était possible…
Centième billet