Le Petit Comtois du 22 avril 1914
Le récit de cette visite occupe une partie centrale de la une du journal et encore deux colonnes en page 3. Il occupera au moins un long paragraphe dans les éditions des 23 et 24 avril jusqu’au départ des souverains.
En ce printemps 1914, la France et l’Angleterre resserrent leurs liens.
L’Entente Cordiale date des accords signés le 8 avril 1904 ; elle avait donc 10 ans lors de la visite des souverains anglais. Elle n’a jamais été une alliance et ne prévoyait rien d’un point de vue militaire entre les deux pays. Elle avait seulement mis fin à des siècles d’adversité entre les deux pays et réglait tous les différents coloniaux. Edouard VII, mort en 1910, francophile, avait beaucoup contribué à cette Entente. Son fils George V ne fit que renforcer l’œuvre de son père.
En France, on est conscient de l’importance de l’Entente et cette visite officielle se fait avec un apparat grandiose. À Calais, où accoste le yacht royal, comme à Paris, on pavoise et on applaudit sur le passage des souverains. Le journaliste évoque une véritable ferveur populaire. On trouve là ce goût bien français pour les ors des monarchies étrangères, cette sorte de nostalgie d’une royauté nationale que l’on a abattue et dont on exorcise la disparition par monarques interposés et par l’apparat du pouvoir républicain.
Les marchands ambulants profitent aussi de l’occasion pour écouler ce que l’on appellerait aujourd’hui des produits dérivés : drapeaux anglais, textes du God save the King…
La visite des souverains étaient déjà annoncée dans le Petit Comtois du 19 avril avec cette photo en une.
Le roi et la reine y apparaissent avec tous les attributs de leur majesté. Bien que le journal soit très républicain, le rédacteur en chef connaît la sensibilité des lecteurs aux affaires monarchiques et il cherche ainsi à leur plaire. À moins qu’il ne veuille réveiller un sentiment antiroyaliste à la veille d’un scrutin législatif où les monarchistes français n’ont aucune chance mais sont encore présents. Ce serait alors mal venu compte-tenu de la qualité démocratique du régime britannique.
Cette visite était une réponse à celle du Président Poincaré, invité par les souverains Britanniques (cf. billet du 29 novembre 2013) six mois auparavant.
Lors du dîner donné en soirée à l’Elysée, le Président Poincaré porta le toast ci-contre dans lequel il rappelle l’origine et le contenu de l’Entente Cordiale.
Il montre par sa dernière remarque toute l’importance de cette Entente pour garantir l’équilibre européen.
Il évoque ainsi le contrepoids que représente la Triple Entente face à la Triple Alliance.
Le souverain anglais y répondit avec des formules équivalentes, rappelant comment son père, Édouard VII, aimait Paris et s’y sentait chez lui.
On remarquera combien les systèmes d’alliance étaient forts et entretenus en ce printemps 1914. Il ne sera pas étonnant, à peine plus de trois mois après, de les voir fonctionner et entraîner les pays membres (et d’autres) dans la guerre.