Le Petit Comtois du 7 avril 1914
Les scandales politico-financiers ne manquent pas sous la IIIe République, avant 1914 … et après. Le plus retentissant fut certainement le scandale de Panama (1891-1893) dont Clemenceau lui-même souffrit considérablement.
À la veille de la guerre, le Parlement est agité par l’affaire Rochette. Cette affaire remonte à 1908, et une commission d’enquête parlementaire présidée par Jean Jaurès dès 1910, est alors chargée de rechercher quels liens purent exister entre un escroc, Rochette, et des hommes politiques. Rochette avait ruiné des épargnants avec un système qu’on appellerait aujourd’hui de Ponzi (cf. affaire Madoff) un système de cavalerie (ou pyramidal) consistant à payer les intérêts des premiers épargnants avec le capital apporté par les derniers entrés. Jean Cruppi, député de Haute-Garonne et ministre du Commerce et de l’Industrie était la principale personnalité impliquée, mais, un temps, la commission d’enquête eut des doutes sur l’implication de Joseph Caillaux.
Le Petit Comtois relata fidèlement les débats parlementaires en rapport avec cette commission, prenant soin de ne pas paraître trop discret sur ce scandale sous prétexte que les personnes incriminées appartenaient à son camp politique, le parti radical. Ces débats sont longs et fastidieux. Ils se terminent par l’absence de preuve flagrante contre des hommes politiques, mais dans cette affaire judiciaire, il y eut des pressions.
Jean Jaurés parla de « déplorables abus d’influence »
L’on peut s’arrêter sur l’analyse (ci-contre) des conclusions de l’affaire parue dans le Petit Comtois du 7 avril.
Elle correspond à une sorte d’éditorial non signé.
On aime y lire une proposition de loi pour interdire à certains élus de conserver des activités pouvant provoquer des conflits d’intérêts. De même qu’invoquer la séparation entre la politique et les affaires paraît relever du bon sens, mais l’on doute de la sincérité de cet éditorial qui peut au mieux ressembler à des vœux pieux, au pire relever des circonstances pour plaire à l’électorat (la campagne des législatives bat son plein). Même s’il termine en disant que ce sera une des premières tâches qui s’imposeront à la nouvelle Chambre, on sait que, les élections passées, la Chambre aura des questions beaucoup plus urgentes à affronter.
Encore une fois, ce qui est écrit dans cet article nous paraît toujours d’actualité. Et même si l’on sait le personnel politique plus surveillé et globalement honnête, comme à l’époque d’ailleurs, il existe des élus influents qui gardent des liens trop étroits avec les milieux d’affaires.
Il es possible de conclure avec ces lignes extraites de Dans le Cloaque de Maurice Barrès (Éditions Emile-Paul Frères Paris 1914) bien que l’on connaisse le parti pris de l’auteur.
L’ouvrage, en ligne, traite entièrement de l’affaire Rochette.
En effet, comme l’écrit Barrès, c’est bien l’antiparlementarisme que nourrit ce genre d’affaires et l’entre-deux-guerres verra les ligues en faire leurs choux gras.
C’est pourquoi, on peut trouver le Petit Comtois du 12 avril (cf. ci-contre) bien inconscient des effets délétères, sur le long terme, d’une telle affaire. L’affaire ne reposait sur rien de solide dans la mise en cause de Caillaux, mais penser que l’opinion publique ait approuvé les conclusions de l’affaire Rochette relève d’un esprit partisan, favorable aux radicaux. C’est oublier combien étaient nombreux ceux pour qui il n’y a pas de fumée sans feu, parce que cela les arrangeait.
Nous savons ce que seront les années trente en matière d’antiparlementarisme.