Le Petit Comtois du 4 février 1914
Dès le début de l’article, on apprend que le conférencier, M. Helmer, était l’avocat de Jean-Jacques Waltz, c’est à dire Hansi, le dessinateur alsacien. Hansi eut une série de procès en 1913 et 1914 pour ses dessins provocateurs contre les excès de certains officiers de l’armée allemande en Alsace et particulièrement à Saverne (cf. article Alsace Lorraine du 13 janvier). En juillet 1914, il s’enfuira pour éviter la prison et s’engagera dans l’armée française.
Avec un tel conférencier, des Bisontins pouvaient donc connaître Hansi et rester sensibles, depuis 1871 et l’annexion allemande, au sort des Alsaciens-Lorrains, surtout après l’affaire de Saverne dont le Petit Comtois parla abondamment.
Le compte-rendu du Petit Comtois témoigne d’une conférence de qualité. M. Helmer a présenté la réalité du pangermanisme.
Ce mouvement politique expansionniste s’est effectivement développé avec la Weltpolitik de Guillaume II après la mise à l’écart de Bismarck en 1890. Mais le pangermanisme est antérieur à 1890 et trouve ses origines dans un courant culturel prônant la supériorité allemande durant tout le XIXe siècle. Avec la Ligue pangermaniste (1893), le mouvement se structure et profite de la puissance économique allemande pour développer ce sentiment de supériorité raciale. Revendiquant le rassemblement de tous les peuples germanophones, le pangermanisme a bien des buts d’expansion territoriale. Mais il importe moins de citer les acquisitions lointaines de l’Allemagne que de rappeler la politique maritime engagée en 1898 pour la construction d’une Kriegsmarine illustrant des ambitions mondiales.
Toutefois, Paul Helmer (1874-1929) montre beaucoup d’indulgence vis à vis de l’Empereur Guillaume II. Celui-ci est présenté comme manipulé par la Ligue pangermaniste, hors, il a lui-même voulu la Weltpolitik.
Mais on peut comprendre l’avocat alsacien ; lui qui vivait alors dans cette province occupée ne pouvait pas se permettre une critique trop directe contre l’Empereur au risque d’être lui-même l’objet d’un procès, ou pire.
Ce compte-rendu de conférence nous fait comprendre que bien des Bisontins pouvaient être informés sérieusement de la politique allemande.
Paul Helmer devint sénateur du Haut-Rhin en 1920, jusqu’à sa mort en 1929.
Le Petit Comtois retranscrit régulièrement un résumé des conférences importantes se déroulant à Besançon. On voit que ceux qui pouvaient y assister recevaient une information précise et pouvaient se faire une opinion argumentée.