Le Petit Comtois du 31 décembre 1913
… Celui-ci rédigeait un article féroce sur les errements et l’inefficacité de certains élus.
Une manière toute à lui de présenter ses voeux à ses chers collègues.
À cette date Clemenceau est sénateur depuis 1902. Il a été réélu en 1909 après avoir quitté la Présidence du Conseil. Sa carrière politique a commencé 43 ans avant, quand il a été maire de Montmartre en 1870, pendant le siège prussien, avant d’obtenir son 1er mandat de député en 1876. Sa carrière de journaliste est antérieure puisqu’il avait tout juste 20 ans quand il fonda le 1er de ses organes de presse, le Travail, en 1861.
En décembre 1913, Il a alors 72 ans et a quitté les responsabilités importantes après que son Gouvernement ait été renversé en 1909. Il a fondé L’Homme Libre en mai 1913, journal dans lequel il soutient tout ce qui prépare la défense face à l’Allemagne.
Ici, il discourt sur le débat du budget au Sénat. Il s’en prend à des « mal élus », évoque les limites du suffrage universel, considérant que des électeurs, comme des élus, sont peu éclairés. Lui qui a été surnommé « le tombeur de ministères » lors de son 3ième mandat de député de 1881 à 1886, en particulier quand il contribua à la chute du ministère Ferry sur la question de la relance de la colonisation, lui donc, s’emploie à critiquer les tergiversations et les insuffisances des élus et du Gouvernement à propos des finances jugeant qu’il y a urgence à trouver des moyens pour la préparation à la guerre et qu’il n’y a pas de temps à perdre en débat politicien. Ses propos sont plus ou moins modérés, mais ne manquent pas d’ironie sur la classe politique à laquelle il appartient.
Il reproche aux uns et aux autres de ne pas accorder suffisamment d’importance aux questions budgétaires. Il s’amuse alors avec un vocabulaire chapelier et légumier à moquer la légèreté des
préoccupations de certains politiques.
Il s’en prend aux membres du précédent Gouvernement (celui de Barthou ) tombé quinze jours avant et à son incapacité à chiffrer le montant d’un grand emprunt national nécessaire pour financer l’effort de guerre.
Il oppose le sénateur Ribot, un républicain libéral plusieurs fois Président du Conseil dans des Gouvernements éphémères, au radical Caillaux alors ministre des finances. Il ne porte ni l’un ni l’autre dan son cœur, même si Caillaux est de sa famille politique. Son reproche concerne le manque de précisions sur ce que rapporterait l’impôt sur le revenu (non encore voté) et surtout sur la méconnaissance du coût de la loi de trois ans sur le service militaire.
Il s’attaque à la politique politicienne et aux tractations autour d’un ministère. Il pourfend ses collègues pour leurs petitesses, alors que lui-même ne dédaignait pas de se livrer à des calculs politiques pour arriver à ses fins.
Clemenceau est alors moins engagé dans le théâtre politique, mais il est un parlementaire actif et ne se prive pas de donner des leçons. Le Tigre garde toute sa fougue et bataille pour que la France se prépare le mieux possible à la guerre. Il a écrit le 21 mai 1913 : « si la catastrophe est inévitable, il faut donc que nous nous préparions à l’affronter de toute notre énergie. Voilà pourquoi je suis disposé, d’une façon générale, à ne rien refuser au Gouvernement, quel qu’il soit, des moyens de défense qu’il sollicite des chambres. »
Ainsi, lui qui fit tomber plus d’un gouvernement, reproche en fin d’article les tractations de ses collègues dans le but d’en renverser un. À cette date, Clemenceau estimait déjà que la stabilité politique était nécessaire ; sans la nommer, il aspirait à une unité nationale, ce sera l’Union sacrée.
Il sera le plus déterminé des hommes politiques durant la guerre et en particulier quand il retrouvera la Présidence du Conseil en novembre 1917. Le père la victoire montrera alors la même volonté d’efficacité : « la guerre, rien que la guerre ». Michel Winock écrit qu’il a été « le moteur psychologique, politique, moral de la victoire. »
Le Petit Comtois édite régulièrement une rubrique « Opinions », donnant la parole, en Une, à des hommes politiques importants et le plus souvent à des élus locaux. Clemenceau eut droit à d’autres Unes du Petit Comtois.